Le numérique de service public se porte bien, merci pour lui !
Il faut lui reconnaître cela : Rachida Dati maîtrise l’art du buzz. Faire parler de soi à n’importe quel prix peut certes permettre de prolonger une carrière politique. Mais vivre dans l’écosystème du clash est un prisme déformant, un bien mauvais point de vue pour penser le futur de l’audiovisuel public sur les canaux numériques.
La ministre répète ainsi qu’une holding serait nécessaire pour exister face aux plateformes mondiales. C’est ignorer que les médias audiovisuels publics, tels qu’ils existent, ne sont pas à la traîne sur les nouveaux usages mais plutôt leaders, Radio France en tête !
Jugez plutôt :
- franceinfo confirme de mois en mois sa place de premier site d’actualité en France avec près de 230 millions de visites par mois ;
- Ici.fr a enregistré, sur le mois de mai, près de 55 millions de visites ;
- Côté podcasts ? Radio France est leader incontesté du domaine : un podcast téléchargé sur deux en France est un programme Radio France ;
- L’écoute de la radio linéaire sur supports connectés ? France Inter est la seule station qui dépasse les deux millions d’auditeurs.
Et sur les réseaux ?
Les progrès sont encore au rendez-vous : en douze mois, le compte TikTok de franceinfo a vu le nombre de ses abonnés doubler, le nombre de vues décupler. Et de l’autre côté de la Seine ? France.tv est la première plateforme de streaming vidéo gratuite du pays.
Ces succès n’ont pas eu besoin d’une holding qui délivre la sainte parole ! Que pourrait faire de mieux cette structure avec un ou une super-patron(ne) ?
Devenir la première plateforme d’actualité de France ? Franceinfo n’a eu besoin que du travail de ses équipes pour y arriver.
Décliner un succès radiophonique comme « Affaires sensibles » à la télévision ? Toujours pas besoin de holding.
Reprendre des extraits de « Complément d’enquête » sur les réseaux de franceinfo ? C’est déjà le cas, au grand dam de Rachida Dati et de Laurence Bloch, dont le rapport tente laborieusement de justifier le projet.
L’ancienne patronne des antennes de Radio France y jalouse le succès de certains acteurs, comme Hugo Décrypte, et rêve de mettre davantage en avant sur nos réseaux des incarnations maison. Mais s’est-elle interrogée sur ce qui fait le succès d’Hugo Décrypte ? Lui aussi se nourrit d’un fil AFP, lui aussi fait travailler des journalistes : mais il se présente à son public comme Hugo Travers, dans le civil, et non pas comme un média “mainstream”. Réunir l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public au sein d’une mégastructure renforcerait au contraire les critiques habituelles portées à nos antennes, notamment le soupçon d’un média public qui serait un média d’État.
Les tenants de cette réforme attisent les peurs face à la concurrence d’acteurs comme Google, TikTok ou Netflix… Les médias publics fusionnés comme la BBC, la RTBF ou la RTS s’en sortent-ils mieux face à ces acteurs ? Certainement pas.
Des moyens pour le numérique, pas pour une holding
Alors que Radio France multiplie les performances, avec des audiences en hausse dans un média radio à la baisse, et des succès uniques en Europe sur les plateformes numériques (les siennes comme celles qui hébergent ses contenus), le SNJ s’oppose plus que jamais à un projet inutile et dangereux.
Ce dont l’audiovisuel public et ses canaux numériques ont besoin, ce n’est pas d’une reprise en main centralisée, c’est de financements pérennes, alors que leur fonctionnement repose trop souvent sur du personnel en contrat précaire. Le développement sur les nouveaux canaux numériques et la qualité des antennes broadcast se nourrissent mutuellement, mais l’étranglement financier orchestré par l’exécutif menace tout l’édifice. Pour ça non plus, malheureusement, pas besoin de holding.
Tout l’audiovisuel public en grève ce lundi 30 juin pour empêcher cette holding dangereuse et inutile !
