Audiovisuel public : Laurence Bloch se renie et nous trahit
Si le but de ce rapport était de faire passer la pilule, c’est clairement raté. Ce lundi, le rapport de Laurence Bloch sur « l’accompagnement à la constitution de la holding » a été rendu aux député(e)s qui doivent, dès ce mardi, poursuivre les débats en commission Culture.
Même si nous ne sommes pas surpris, nous regrettons vivement que l’ancienne directrice des antennes de Radio France ait estimé pertinent de rédiger un rapport sur l’avenir de tous les acteurs de l’audiovisuel public sans interroger les salariés et leurs représentants. Jamais le SNJ Radio France n’a été sollicité pour répondre à ses questions.
Ce rapport pourrait nous réjouir car il rappelle que le levier essentiel de l’avenir de l’audiovisuel public est l’information et que la création d’une newsroom, comme à la BBC, n’est pas le but. On sait les conséquences désastreuses que cela aurait pu avoir sur l’emploi, les conditions de travail et le respect des savoir-faire de chacun.
Mais notre satisfaction s’arrête là. Car ce rapport propose de faire reposer la holding sur les quatre plateformes existantes (Ici, France Info, Radio France et FTV), chacune étant portée par une filiale dédiée. Ainsi donc Laurence Bloch envisage-t-elle tranquillement la disparition pure et simple de ce qu’est Radio France, mais aussi de nos contrats de travail.
BlochGPT
Toute sa démonstration repose sur la nécessité de produire des contenus à destination de ces plateformes… en clair de faire comme les autres, les médias privés, ce qui est contraire à notre mission de service public. Mais ce que l’ancienne directrice des antennes et de la stratégie de Radio France propose en plus, c’est de sacrifier la radio linéaire, dont nous savons pourtant qu’elle est la base de tout succès sur les autres canaux. Il est clairement question de réallouer des moyens vers le numérique, en particulier pour la production de formats natifs pour les réseaux sociaux, en oubliant que leurs algorithmes sont le premier obstacle à la diffusion d’une information fiable. Ainsi le buzz deviendrait-il l’indicateur premier de la performance et du service rendu par l’audiovisuel public.
Cette conclusion est d’autant plus étonnante de la part de celle qui ne cachait pas, dans ses dernières années à Radio France, sa totale incompréhension des enjeux de distribution numérique – et cette honnêteté l’honorait. Mais alors, ce rapport est-il son œuvre ou celle d’un chatbot écrivant ce que la ministre de la Culture voulait y lire ?
Et qui va décider de cette primauté du numérique ? Un(e) patron(ne) de la holding aux pleins pouvoirs que Laurence Bloch désigne en arbitre des choix financiers. Incompréhensible, venant de quelqu’un qui a longtemps vécu de la radio et qui sait bien que les arbitrages se feront toujours au détriment de l’audio. « Au-delà de sa vision stratégique, la force de conviction du PDG de la holding sera essentielle pour la réussite du projet », est sa conclusion.
Quant au coût de la holding, il serait léger pour la structure dirigeante, assure le rapport qui chiffre cependant à 30 millions d’euros l’alignement des statuts des salariés. Un coût qu’il juge modeste au regard du bénéfice espéré…. à plus long terme avec d’inquiétantes « économies d’échelle ».
Laurence Peyrefitte
Par ailleurs, Laurence Bloch va très loin dans son rapport, plus loin encore que le projet de loi, en proposant la création d’une direction de l’information unique. Mesure-t-elle vraiment le danger de cette idée ? Une seule et même personne pour résister aux pressions, pour valider des projets d’investigations sensibles, pour décider de couvrir telle ou telle actualité lointaine et risquée… ou pour recevoir les ordres d’un ministre de l’Information, façon Alain Peyrefitte avec l’ORTF. Rien que de donner corps à cette idée en l’écrivant représente un cadeau immense à celles et ceux qui rêvent d’un contrôle politique de l’audiovisuel public.
Enfin, toute la construction de ce projet repose sur une très hypothétique sanctuarisation des budgets de l’audiovisuel public. Alors que Radio France a dû se passer de près de 24 millions d’euros pour 2025 et que le pire est certainement à venir côté budget. C’est totalement irréaliste !
Ce que nous promet le tandem Dati-Bloch ce sont donc des transformations au bulldozer, un enterrement de nos principes d’indépendance, de la radio en tant que média, et le tout sur fond d’austérité.
Ce seraient autant d’erreurs majeures pour le service public, donc pour l’avenir de notre démocratie. Il appartient aux parlementaires de ne pas se laisser berner.
