Contrats d’objectifs et de moyens : le démantèlement de Radio France s’écrit à France Télévisions
Nous étions en grève il y a quelques jours contre la fusion de l’audiovisuel public. Les travaux législatifs sont en pause, mais ceux qui veulent démanteler Radio France ouvrent un autre front en coulisses.
Ce sont quelques mots dans un tableau en annexe du Contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, au chapitre « Programme de transformation ». Il y est question du passage de France Bleu et France 3 sous la marque ICI et de l’intégration plus forte de France Info. Ce n’est pas un scoop. Mais ce COM voit beaucoup plus loin que tout ce qui a été annoncé jusqu’à présent à Radio France.
Pour France Bleu, le recrutement d’un « directeur national unique des deux réseaux » est écrit pour le premier semestre 2025, ainsi que la mise en place d’un « nouveau découpage géographique » au troisième trimestre 2025 et le « recrutement de directeurs locaux uniques » au premier semestre 2026 (dès le premier trimestre 2025 dans les régions pilotes : Corse, Hauts-de France et Bretagne) !
Pour France Info, il est prévu des « incarnations communes » dès la rentrée de septembre, la nomination d’un « directeur unique du média global » en janvier, puis une « ligne éditoriale commune » à partir de juin prochain et un budget commun à partir de septembre 2025.
Les budgets de Radio France décidés à France Télévisions ?
Et le COM de France Télévisions va jusqu’à chiffrer combien cela va coûter à Radio France. Comptez 3,1 millions d’euros (dont 0,8 pour Radio France) pour le recrutement du nouveau patron commun d’ICI ou 5,3 millions d’euros pour « la mise en place d’une agence commune de vérification ».
Cela signifierait inévitablement la fusion de France Bleu et France 3 et celles de la radio France Info avec la télévision… donc le démantèlement de Radio France, quel que soit le devenir du projet de réforme de l’audiovisuel public.
Car une direction unique c’est une ligne hiérarchique unique, possible seulement au sein d’une même entreprise, qui emploierait tous les salariés relevant de cette organisation. Et comme cette entreprise ne sera certainement pas Radio France, ce projet implique de séparer France Bleu et France Info du reste de l’entreprise, avec un impact sur les contrats de travail des équipes (lien de subordination, accords d’entreprise, rémunération…).
Les mots nous manquent pour décrire l’ampleur de ce big-bang et des conséquences de cette amputation. Privée des deux-tiers de ses journalistes, Radio France deviendrait foncièrement différente de l’entreprise agile et intégrée qu’elle est aujourd’hui.
Prenons seulement deux exemples qui structurent le fonctionnement des rédactions :
– ce serait la fin du planning, qui permet de multiplier les expériences variées en début de carrière et d’assurer les remplacements. Le suivi d’une centaine de journalistes deviendrait impossible à cheval sur différentes entités.
– ce serait la fin des mobilités entre chaînes. Du local aux ESP en passant par les réactions nationales, ce fonctionnement a pourtant largement fait ses preuves, pour la richesse qu’il apporte aux antennes et pour les carrières qu’il permet.
C’est donc dans le COM de France Télévisions que l’on découvre ce projet qui concerne directement France Info et France Bleu. Rien de semblable dans notre propre projet de COM. En visant ces directions uniques dès le début de 2025, ce projet ne coïncide même pas avec l’objectif de fusion voulu par le gouvernement pour 2026 !
Si on en doutait encore, ce projet révèle les intentions réelles de la direction de France Télévisions et sa voracité irrationnelle. Nous demandons au gouvernement d’intervenir et d’assurer son rôle de tutelle : il ne peut pas valider les deux COM qui portent deux projets incompatibles.