Intelligence artificielle : l’humain, la force de Radio France

Tout le monde l’a maintenant compris, notamment grâce aux expérimentations menées ces dernières semaines sur nos antennes : les outils d’intelligence artificielle peuvent générer du son aussi bien que du texte et de l’image. Cela pose des questions existentielles pour le journalisme et pour la radio.

La voix transmet beaucoup plus que les mots : les intonations, les émotions et même les hésitations tissent une relation unique avec chaque personne qui écoute en direct comme en podcast. Ce mélange de simplicité et d’incarnation permet à la radio de rester le média qui inspire le plus confiance au public : l’audio, c’est le vrai !

Introduire des voix artificielles – même un peu, même en l’annonçant, comme « ici » a envisagé de le faire dans un podcast – détruirait cette confiance, pour l’ensemble de nos productions. De
la même façon, encourager les animateurs d' »ici » à utiliser une intelligence artificielle générative pour écrire des pages web est un précédent dangereux. Nous avons tout à y perdre, pour si peu à gagner.

Jusqu’ici, Radio France s’est dotée d’une charte qui promet la transparence mais veut aussi « explorer les potentialités de l’intelligence artificielle en matière de création et de production
de contenus audio, vidéo et numériques »… c’est-à-dire potentiellement tout.

Les contenus générés par des outils d’intelligence artificielle sont déjà partout (au moins 1 000 sites rien qu’en français, ce qui en fait une forme de pollution) ! Dans cet océan de médiocrité
(rappelons que les modèles sont conçus pour générer ce qui est le plus probable, le plus moyen), Radio France a au contraire besoin de se distinguer. Nous le faisons déjà avec succès en produisant nos programmes en interne. Radio France doit désormais s’engager à ce que les voix dans nos émissions et nos podcasts soient uniquement des voix humaines et non générées par des intelligences artificielles, à ce que nos pages web soient écrites, nos photos prises par de vraies personnes.
Cela va devenir une condition de confiance, donc de survie pour tout média sérieux : prenons les devants !

Des humains, pas des machines

Le SNJ Radio France appelle la direction à faire ce choix du tout-humain et à le revendiquer comme une garantie pour le public. Ce choix – non pas rétrograde, mais responsable – est d’ailleurs le seul possible pour un média de service public. Comment pourrait-on justifier d’utiliser de l’argent public pour faire parler ou écrire des ordinateurs, alors que n’importe qui peut le faire ?

Cela n’empêche pas l’utilisation de l’IA et de tous les outils informatiques en amont pour scripter du son, améliorer les processus de production, de recherche et de traitement de l’info.
Mais pour ce qu’ils sont : des outils. Et il faut que les personnels soient valablement formés, avec un plan ambitieux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mais le principal – la vérification, la rigueur dans l’analyse des informations, la mise en forme, la transmission à un public d’humains… doit rester une affaire d’humains, de femmes et d’hommes, pas de machines.

Photo ci-dessous : Ne faites pas ça chez vous / Michel Royon  – domaine public

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