Réforme de l’audiovisuel public : qui caricature qui ?
Invitée de la matinale de France Inter ce mercredi 7 mai, la ministre de la Culture a accusé les opposants à son projet de holding de le caricaturer. Un comble venant d’une ministre qui utilise des arguments simplistes et parfois de purs mensonges ! Radio France a besoin d’une tutelle qui la soutienne, valorise ses succès et défende son budget dans les difficiles arbitrages qui s’annoncent. Il est très inquiétant d’entendre Rachida Dati rabaisser les résultats de Radio France et donner libre cours à une rancœur personnelle. Retour sur ces affirmations.
Un consensus pour une holding serait en train de se former ?
Faux. Voilà des années que les salariés et syndicats de l’audiovisuel public alertent sur les dangers de ce projet pour l’indépendance de l’information, la diversité des programmes et des offres culturelles. Une bonne partie des forces politiques du pays rejettent aussi ces pistes, comme le prouve l’examen avorté du texte en commission des affaires culturelles. Ce projet n’est porté que par une partie de la droite parlementaire, Rachida Dati et Emmanuel Macron. Il est donc beaucoup plus près de faire l’unanimité… contre lui.
Une holding protégerait des influences ?
Faux. Au contraire, un audiovisuel rassemblé derrière un seul patron, c’est un seul coup de fil à passer pour un pouvoir politique qui voudrait influencer les programmes et agir sur l’éditorial. Plusieurs entreprises compliquent d’autant d’éventuelles velléités d’ingérence. Donc oui, le projet de Rachida Dati servirait un pouvoir autoritaire.
Nos plateformes numériques seraient faibles parce que divisées ?
Faux. France Info, régulièrement à la première place des sites d’info, est une plateforme commune à Radio France et France TV, comme « ici » dont l’audience numérique est en forte croissance. Par ailleurs, Radio France est un leader incontesté en matière de podcast et ce au niveau européen : nos programmes représentent près de la moitié de toute l’écoute d’audio en France, et la plateforme Radio France est devenue la première dans le pays, devant tous les acteurs internationaux. Ni la BBC ni aucun autre acteur traditionnel ne fait aussi bien. La ministre devrait féliciter Radio France pour ce succès unique !
La holding exécutive préserverait l’identité de chaque entreprise ?
Faux. Le projet prévoit de regrouper par exemple le réseau des radios locales de Radio France avec les antennes de France 3 en région, dans une seule et même filiale. Impossible dans ces conditions de garantir l’avenir de la radio. Par ailleurs, la BBC (pourtant érigée en modèle), dont les audiences radio sont en souffrance, a montré que le regroupement était source d’affaiblissement de l’audio.
L’audiovisuel public ne s’adresserait qu’aux CSP+ et à un public âgé ?
Faux. Si les catégories populaires se tournent moins vers la radio, cette désaffection touche moins Radio France que ses concurrentes. Les succès d’audience de Radio France doivent beaucoup au rajeunissement réussi des antennes : rien que sur France Inter, plus d’un million de paires d’oreilles de moins de 35 ans. C’est la radio qui gagne le plus de jeunes… loin devant les radios musicales qui leur sont théoriquement destinées. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des publics, différents, de nos sites et applis.
Des entreprises séparées, une anomalie ?
Oui. Même si nous préférons parler d’exception culturelle française. Vu nos résultats sur les différents supports grâce à la qualité de nos programmes audio, et au contraire les difficultés éditoriales et sociales de la plupart de nos homologues européens fusionnés, soyons fiers de notre modèle.
À part une fascination aveugle pour la télévision, rien ne justifie de faire comme les autres et de punir des équipes et une formule qui gagnent.
Madame la ministre, la faiblesse de vos arguments révèle la faiblesse de votre projet pour l’audiovisuel public. Une fois de plus, nous vous le demandons solennellement : retirez votre réforme !
