Disparition de France Bleu : La marche funèbre commence ici et maintenant
En enclenchant ce lundi la bascule vers Ici, Radio France enterre France Bleu.
Dès l’apparition de l’appli il y a près de trois ans, le SNJ avait dit toutes ses craintes de voir disparaître le nom et l’identité de la chaîne – ce que la direction appelle « la marque ». Notre syndicat avait mobilisé les équipes, avec des semaines blanches sans web, un retrait de droit à l’image et une même une grève. C’est aujourd’hui une triste réalité : France Bleu va rejoindre le cimetière.
Alors que les équipes de France Bleu fournissent chaque jour quasi-gratuitement deux heures trente d’antenne à France 3, cet apport sera désormais invisibilisé derrière la marque commune.
Invisibilisé également, le travail fourni par les rédactions de France Bleu sur le futur site internet commun, qui risque de devenir un véritable chaos éditorial, comme l’est l’application aujourd’hui. C’est d’autant plus inacceptable que les journalistes ont porté à bout de bras francebleu.fr, sans aucune contrepartie financière et avec des conséquences directes sur leur charge de travail.
Invisibilisée enfin, l’appartenance des équipes de France Bleu à Radio France, avec le risque que plus personne ne nous reconnaisse comme acteur essentiel du service public de la radio, celui qui est toujours présent, partout, quand survient une catastrophe.
Une direction aux ordres
Projet ordonné par l’État, qui se transforme en mauvais génie stratégique, la marque commune Ici est devenue la priorité des priorités des directions de Radio France et de France Bleu. Et alors que l’État nous a retiré l’argent lié à ce changement de nom et de logo, il va falloir le financer en renonçant à autre chose. C’est suicidaire, d’autant que ça ne nous protègera en rien des velléités de fusion de certains élus. Donner des gages aux tutelles est illusoire.
Sur le fond, face au scepticisme des équipes, à part répéter qu’Ici va « nous rendre plus puissants » (notez que c’est aussi l’unique argument des promoteurs de la fusion de l’audiovisuel public), la direction est incapable de nous expliquer comment. Localement, le service après-vente s’avère compliqué pour certains cadres qui n’y croient pas eux-mêmes.
En effet comment croire que ce machin va fonctionner, alors que les directions de Radio France et France Télévisions sont incapables depuis trois ans de se coordonner pour éviter doublons et contradictions sur l’appli ? Comment croire que le changement de marque sera compréhensible pour le public, alors que France 3 continuera à s’appeler France 3 ? Comment justifier de dépenser des millions d’euros pour ce changement alors que les coupes budgétaires succèdent aux rabotages ?
Ni prêt, ni raisonnable, ni bénéfique
L’argent de la marque Ici, on aurait pu l’utiliser ailleurs pour renforcer nos missions de service public avec plus de reportages sur des territoires aujourd’hui oubliés, et pour développer notre offre d’éducation aux médias. Ici est une gabegie inacceptable d’argent public.
Et tout cela ne va pas rester sans conséquences sur les conditions d’exercice des journalistes de Radio France. Devront-ils demain réaliser des reportages à la fois pour la radio et la télévision ? Devront-ils appliquer des consignes éditoriales décidées en dehors de Radio France ?
Les directions de Radio France et de France Bleu essaient de soulever les enthousiasmes, à grand renfort de foire aux questions, de messages marketing et de campagne de publicité, tout en refusant toujours d’indiquer aux salariés la date envisagée pour la disparition de France Bleu. Quelle absence de considération !
Nous ne voyons passer qu’un cortège funèbre.